Changement de braquet

 On me reproche souvent de ne voir que la noirceur du monde. L’on dit que je ne m’intéresse qu’à ce qui ne fonctionne pas, que mon champ de prédilection, ce sont les trains qui n’arrivent pas à l’heure… Ah bon, il y en a tant que cela, des trains, ces derniers temps ? Bref, que je ne m’arrête qu’au côté obscur de la farce ! Eh bien, pour une fois, me voici porteur d’une bonne nouvelle ! Parfaitement, et ne tendez pas le dos en vous demandant ce que Tonton Albert va encore vous sortir comme cruauté de derrière les fagots. Cette fois, c’est LA bonne nouvelle que nous attendions toutes et tous : la Police Nationale se met enfin au développement durable. Etonnant, non ?…

J’ai eu entre les mains une petite plaquette d’information qui l’atteste.

C’est une coproduction de la Police Nationale donc, et de la Direction des Territoires de Maine-et-Loire – dans sa fibre Sécurité Routière. C’est dire si ça fleure bon le Ministère de l’Intérieur. Pour faire court, la Police a remarqué – parce que les policiers de notre pays sont des gens perspicaces – que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à se déplacer en vélo. Par voie de conséquence, ces mêmes concitoyens circulent plutôt moins en voiture. Et donc ?… J’attends…

Ne me dis pas, Kevin, que tu sèches sur une question aussi facile ?

…Et donc, les rentrées sont moindres au niveau des amendes ! Fatalement. (Franchement, Kevin, tu aurais pu trouver !).

D’où l’idée géniale consistant, non pas à changer de vache à lait (l’automobiliste reste et restera indéniablement une valeur-refuge pour tout porteur de carnet à souches), mais à en dénicher une nouvelle. Il est en effet crucial de ne jamais mettre tous ses œufs dans le même panier. La volatilité des marchés chère aux traders qui gouvernent le monde, a dans le cas présent, été parfaitement intégrée. Manifestement, le Ministère de l’Intérieur – si j’ose dire – ne perd pas les pédales, et sait saisir les opportunités.

Tout un florilège de situations susceptibles de rapporter un peu de monnaie a par conséquent été concocté et reporté sur la plaquette dont je vous cause, et qui est à destination des cyclistes. Des cyclistes qui peut-être, ne savent pas encore qu’ils sont des délinquants en puissance. L’une des faces de la plaquette annonce ainsi clairement la couleur.

  • Défaut d’éclairage : 11 €. Ça, c’est pour les petits budgets.
  • Circulation avec passager sans selle : 35 €. Le covoiturage n’est pas le bienvenu. L’avantage, c’est qu’à deux, l’on peut se partager le paiement de l’amende ; ce qui la laisse encore abordable.

Mais j’ai aussi de quoi satisfaire celles et ceux qui recherchent le grand frisson, tout en disposant de revenus plus importants, par exemple les cadres (elle était facile celle-là !). Voyez plutôt :

  • Circulation sur les trottoirs ou non-respect d’un feu rouge. Même punition : 135 €.

Ah, ça calme ! Pour un peu, le vélo pourrait être abattu sur place sans sommation…

A l’intérieur de la plaquette, l’on apprend que le port d’un gilet rétroréflechissant – obligatoire la nuit, hors agglomération – est recommandé en toutes circonstances. Les plus taquin(e)s d’entre vous auront noté que le terme de « gilet jaune » a été évité. Des fois qu’il inciterait à la rébellion… L’on apprend aussi que les écouteurs à vélo sont formellement interdits.

Là, je pense à ces intrépides esclaves-livreurs que notre monde joyeusement uberisé a rebaptisé « autoentrepreneurs »… et que je préfère appeler « vélo-entrepreneurs ». Donc, si pédalant sur votre petite reine pour trimballer vos pizzas au goût de carton, vous écoutez mes chroniques sur Radio G, avec des écouteurs sur les oreilles, sachez qu’il peut vous en coûter la modique somme de 135 € ! Soit probablement pas loin de deux mois de votre salaire. Bon, rassurez-vous, siffloter en faisant du vélo n’est pas encore passible des galères…

Bref, on relèvera à l’aune de ce que je vous annonce – est-ce une conséquence du réchauffement climatique ? – que la saison des prunes est diablement en avance cette année. Et qu’elles sont sacrément chères au kilo. Personnellement, à ce tarif-là, je ne m’en approche pas ! Je subodore même qu’elles sont importées, et pas tant que ça « développement durable », si vous voyez ce que je veux dire.

Détail amusant, la page reprenant les diverses variétés de prunes disponibles dans la boutique de M. Castaner, montre un automobiliste qui ouvre sa portière au nez d’un cycliste.

Le grand classique des relations urbaines entre vélo et bagnole. Eh bien curieusement, cette faute potentiellement lourde de conséquences pour autrui ne se solde par aucune amende ! Un oubli sans doute ?…

On l’aura compris, désormais, les cyclistes ont intérêt à filer droit. Sinon !… En même temps hein, les cyclistes s’en tirent plutôt bien. Car les livreurs en scooter ont apparemment moins de chance ; la peine de mort par fracture du larynx, a semble-t-il été récemment rétablie à leur encontre.

 

La version audio de ce billet d’humeur est bien sûr écoutable sur le « pot de caste » de Radio G !

 

 

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