Des poches sous les yeux (5 décembre 2024)

Voilà que l’année se termine, et pas franchement en beauté, si tu veux mon avis, lecteur, lectrice… Dans un passé notoirement nauséabond, une menace explicite à l’encontre de la Culture avait été brandie, et par extension, envers celles et ceux pour qui la Culture n’était sûrement pas des clopinettes. Cette sentence attribuée à un maréchal à croix gammée, alors qu’il ne faisait que la colporter, proclamait ceci :

– Quand j’entends le mot culture, je sors mon révolver. »

De nos jours, ce type de réaction pour le moins antinomique n’a heureusement plus cours. Et tout particulièrement dans notre riante région des Pays de Loire. Non, désormais, on ne sort plus de révolver, mais la hache budgétaire. Pour les coupes sombres, la hache, c’est bien pratique. Alors que le flingue, ça ne fait juste que quelques trous. Insuffisant. Notoirement insuffisant.

Vous me direz, vous qui me lisez, il existe des moyens infinis pour détruire la création artistique et la soif de connaissances qui, au moins en théorie, devraient animer n’importe quel humain doté d’un cerveau. En résumé, tout ce qui peut nous rendre moins stupides et de ce fait, plus à même de mieux vivre nos existences d’humains, et de les partager avec d’autres humains, c’est ça, la Culture. Manifestement, cette perception n’est pas unanimement partagée par les dirigeants régionaux des Pays de Loire.

Des dirigeants qui comme leur nom l’indique, nous dirigent… vers un futur du repli sur soi. Oh, que ça fleure bon la perspective réjouissante ! Simultanément, alors que le Gouvernement démocratiquement élu de M. BARNIER – et désormais prié de faire ses cartons – imposait à notre docile région des Pays de Loire de lui reverser la bagatelle de 40 millions d’euros, notre zélée présidente de la région pratiquait une inattendue surenchère en annonçant 60 millions d’économies supplémentaires. Qui dit mieux ?…

Et comme je le laissais entendre précédemment, la Culture est toute désignée pour participer activement à cet « effort de guerre ». Le chiffre de 73 % de restriction budgétaire est avancé en ce qui concerne la Culture. Tant qu’on y est, pourquoi pas 100 % ! Bizarrement, je n’ai pas entendu dire que les élu(e)s du Conseil Régional allaient renoncer à leurs émoluments pour limiter la casse de l’offre culturelle régionale. Mais j’ai dû être distrait et mal écouter les infos…

Ce qui est finalement assez croustillant dans cette affaire, c’est de noter que notre présidente de région est encartée dans un parti politique qui se nomme « Horizon ». A n’en point douter, en Pays de Loire, l’horizon devient sacrément bouché pour la Culture. Les partis politiques changent fréquemment de nom, histoire de montrer qu’ils sont encore en activité, qu’ils n’ont rien de ces volcans éteints, aussi pourquoi ne pas suggérer à « Horizon » de s’appeler désormais, je ne sais pas moi, « Liquidation » ?…

Ceci étant précisé, il me paraît légitime de vous suggérer une lecture « petit budget », surtout pour les professionnel(le)s de la Culture, alors que la pleine saison des cadeaux pointe son nez. Voici en quelque sorte, « les poches sous les yeux » de Noël !…

Encore que, dans la continuité de ce que je viens de développer, on a un peu l’impression que c’est la Région Pays de Loire qui fait les poches à la Culture… D’accord, je n’étais pas obligé, lectrice, lecteur, de faire ce nouveau jeu de mots douteux. Ce doit être une seconde nature contre laquelle je ne parviens pas à lutter. Une forme d’addiction, en somme…

Aujourd’hui, je vous embarque au Texas, au début des années 70. Henry Quinn, un jeune homme d’une petite vingtaine d’années sort de prison où il a purgé une peine de 3 ans pour avoir accidentellement blessé par balle sa voisine, une honnête mère de famille. Il avait pour compagnon de cellule un certain Evan Riggs qui a eu son heure de gloire en tant que musicien de country, avant de sombrer dans l’alcool et une dépression carabinée. Funeste cocktail qui l’a conduit à frapper à mort un huissier venu lui apporter le type de mauvaise nouvelle que les huissiers ont le don de trimballer avec eux. Pour cet acte dont il ne se souvient pas, car évaporé dans les brumes des méga-doses de bourbon qu’il a avalées ce soir-là, il a pris perpette.

Comme Evan Riggs a plus d’une fois tiré d’affaire – euphémisme ! – son codétenu au cours de son incarcération, Henry Quinn se sent redevable vis-à-vis de Riggs. Et ça tombe bien, car ce dernier a une mission à lui confier, maintenant qu’il sait que Quinn va recouvrer la liberté. Riggs remet à Quinn une lettre destinée à sa fille Sarah, née alors qu’il était déjà pensionnaire à vie du pénitencier, qu’il n’a jamais vue et dont il ignore jusqu’à l’adresse. On se doute que ça ne va être simple pour le brave Henry Quinn de retrouver la trace de Sarah qui a son âge, à peu de choses près. Mais il a donné sa parole à son ami Riggs et il va s’évertuer de remplir sa mission.

Il a une piste toutefois. Il lui faut se rendre dans le village natal de Riggs, au fin fond du Texas. Un village dont le frère de Riggs est – ironie du sort – le shérif. Mais despote ou monarque seraient des termes plus adéquats, tant il est vrai que le frangin prénommé Carson règne en maître sur le patelin et ses habitants en employant des méthodes pour le moins singulières. Il semble un peu calqué sur le shérif de Nottingham qui ne fait rien qu’à embêter un certain Robin des Bois.

L’affrontement entre le tout frais ex-taulard et l’inquiétant shérif ne tardera pas, car l’aurais-tu deviné, lectrice, lecteur,… Le shérif n’a aucune envie d’aider Henry à retrouver celle qui est tout de même sa nièce.

On peut même ajouter que Carson et Evan, c’est un copier/coller de Caïn et Abel. Les deux se détestent à mort. En partie parce que leur père a clairement manifesté sa préférence pour Evan au détriment de Carson. Mais pas seulement… On ne tardera pas d’ailleurs à découvrir l’origine du féroce contentieux existant entre eux. Un contentieux prénommée Rebecca qui est la femme que les deux frères ont chacun follement aimée.

Au moyen de judicieux flashes back, R.J Ellory, l’auteur de ce roman intitulé « Le chant de l’assassin » va nous faire découvrir par touches successives comment Carson Riggs peut nourrir autant de haine à l’encontre de son frère, et par transitivité, envers celui qui est son messager. Le puzzle va peu à peu s’assembler pour former un tableau des plus terrifiants.

Nous sommes certes au Texas, mais Ellory a repris les codes de la tragédie grecque ou du drame shakespearien. L’un étant il est vrai la continuité de l’autre. La folie qui mène au point de non-retour, la soif de pouvoir jumelée à l’appât du gain, l’incompréhension et le défaut de communication entre les êtres, les non-dits, l’implacable emprise du désir sur nous, pauvres humains, la trahison,… tous ces ingrédients adroitement triturés et cuisinés par R.J Ellory font que « Le chant de l’assassin » est de ces romans que l’on ne lâche pas. Ou plutôt, qui ne vous lâchent pas, candides lecteurs qui en avez simplement lu la première page.

Bonne lecture !

Comme toujours, je vous offre pour le même prix, une version « pour les oreilles » et en duo avec la sympathique Nolwenn. Ça démarre à 40’31 :                                                                          

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