En prévision de mon retour au micro de Radio G !, je réfléchissais à un possible sujet de chronique ; et je dois admettre que les thèmes se bousculaient. J’avais évidemment le choix de revenir sur l’un des nombreux feuilletons qui nous occupent depuis des lustres : le Brexit en tête !… Feuilleton auquel j’avoue humblement, ne plus rien comprendre. Sans que Shakespeare n’y soit du reste pour quoi que ce soit !
Ou je pouvais encore m’attarder sur cette autre histoire à rebondissements incarnée… par l’EPR de Flamanville. Un feuilleton qui dure depuis si longtemps que je ne sais plus à combien de saisons nous en sommes. Tout ce que j’ai enfin saisi, c’est la signification de l’acronyme « EPR ». Vu les rallonges (et dans le domaine de l’électricité, il faut rappeler combien multiplier les rallonges peut s’avérer dangereux), donc, vu les rallonges régulièrement consenties pour ce chaudron nucléaire d’un nouveau genre, j’en ai déduit que ces 3 lettres pourraient bien signifier : Escroquerie Passablement Récurrente. Le coût de l’opération ayant tout de même été multiplié par 4 depuis le départ ! Une broutille, puisque nous ne parlons QUE d’une douzaine de milliards d’euros. En même temps, quand on aime – et en France, on ADOOOORE le nucléaire (à peu près autant qu’au Japon !) – on ne regarde pas à la dépense.
Et puisque nous autres contribuables, consentons à faire des cadeaux à notre électricien préféré depuis le site « openbar.com », j’ai choisi d’évoquer un autre type de cadeaux. Ceux dont bénéficie le corps médical.
Eh oui, ami(e)s lecteurs/trices, vous pensiez tout comme moi, avec cette aimable candeur qui vous caractérise, que les voyages tous frais payés vers quelque destination paradisiaque, sous prétexte de colloque plus ou moins fumeux, c’était terminé ! En fait, non. Il faut juste le déclarer sur une base de données – le portail « Transparence santé » en l’occurrence. Ainsi, par exemple, si vous savez que votre médecin, à ses heures de loisirs, gratouille un peu sa guitare, rien ne vous empêche de lui offrir une pleine caisse de médiators…
Une étude menée par des chercheurs de l’Université de Rennes a ainsi révélé que statistiquement, le contenu et le montant moyen des ordonnances établies par les généralistes variaient, selon que le médecin avait reçu ou non des cadeaux. Cadeaux provenant non pas des pompes funèbres (ce qui, là où la population est la plus vieillissante, ou la plus exposée aux parfums des usines classées SEVESO, aurait pu se comprendre), mais des labos pharmaceutiques, ces grands philanthropes devant l’Éternel.
L’étude montre de façon amusante – mais avouons-le sans grande surprise – que plus le généraliste a perçu d’avantages en nature de la part de l’industrie pharmaceutique, plus ses ordonnances présentent un coût élevé pour la Sécu. C’est à croire que cet acteur de votre santé, même s’il vous fait parfois un peu de cinéma avec son stéthoscope, ne jette qu’un œil distrait aux génériques. A contrario, les quelques 10 % d’irréductibles qui refusent la générosité totalement désintéressée des firmes pharmaceutiques, eux, en prescrivent du générique ! Là, les matheux qui me lisent, auront immanquablement réagi : en effet, seulement 10 % d’incorruptibles, cela fait en contrepartie 90 % de perméables. Pas mal, non ?
L’un des auteurs de cette étude, Le Docteur Goupil – avec un nom pareil, ce doit être un sacré malin ! – nous apprend même que l’industrie pharmaceutique dépense la bagatelle de 23 % de son chiffre d’affaires dans la promotion des médicaments. Soit davantage que ce qu’elle investit dans la recherche. Et le rusé Docteur Goupil d’ajouter qu’il est peu probable que cet argent soit dépensé à perte.
Bref, les esprits chagrins pourraient être tentés de conclure que tout ceci n’est pas joli, joli, et que c’est bien la peine de faire autant d’études au niveau supérieur pour se retrouver réceptif au premier hochet venu, à l’instar de n’importe quelle ménagère (ou ménager) de moins de 50 ans devant une vague promo en tête de gondole. Oui, de prime abord, il pourrait être tentant de jeter le pédiatre avec l’eau du bain.
Bizarrement, moi, je trouve que c’est plutôt rassurant de voir que les médecins restent viscéralement des humains, comme tout le monde, avec cette même médiocrité distillée par notre ancestral cerveau reptilien. Soyons-en conscients, le jour où ce seront des robots qui nous ausculteront, ce sera encore moins rigolo. Mais si l’on pense alors à leur apporter en cadeau, une petite burette d’huile, peut-être que cela se passera bien quand même…
La version audio (et non pas « odieuse ») de ce texte est évidemment écoutable via le podcast de Radio G !
Bonjour
Merci pour ce texte.
Comme l’avait si bien dit Ernest Renan: « Il se pourrait que la vérité fut triste »
Patrick