Eh bien, Tonton, tu me sembles abattu, comme si quelque chose te tracassait !
Ça se voit tant que ça ?..
Il faut reconnaître que tu as une petite mine, mon Tonton !
Bon, à toi, je peux bien le confier. Je découvre un sentiment dont j’ignorais tout, et ça me perturbe. A mon âge canonique, je pensais avoir fait le tour de tout ce qui nous chahute le cœur ou le cerveau – c’est selon ! – et puis, patatras, je m’aperçois que moi aussi, je peux être jaloux !
Allons bon !… C’est à force de lire Shakespeare que tu t’es pris pour Othello ?…
Non, mon cher Kevin, ce vieux William n’y est pour rien. Et il est encore moins question pour moi d’accabler quelque belle Desdémone de mes soupçons infondés.
Non, vois-tu, je suis jaloux de ce que C’Pages, le magazine d’information de Brissac Loire Aubance, a osé écrire dans son dernier numéro. Honnêtement, j’aurais rêvé de trouver un titre aussi imprégné d’humour noir pour un article consacré aux cimetières de la commune. Certes, j’écris assez peu d’histoires sur les cimetières de ma commune ; ce qui fait que l’opportunité ne s’est guère présentée à moi…
Et donc, Tonton, cet article sur le thème des cimetières avait pour titre ?…
« La vie dans nos cimetières ». Sobre. Efficace ! Magistral. Vu de mon humble fenêtre, total respect.
Bon, tu peux arrêter de rire, mon neveu. J’admets que le paradoxe soit assez saisissant, mais tout de même, tu pourrais, si tu n’as pas de compassion pour moi qui viens de trouver plus audacieux que moi en matière d’humour noir, aie au moins un peu de respect pour les défunts dont c’était la fête récemment. « La vie dans nos cimetières », tu avoueras que ça ne vient pas spontanément à l’esprit.
Ni « au fantôme » !…
C’est malin ! Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi !… Déjà qu’avec ce texte sur les cimetières, on n’est pas loin de l’article de la mort…
Mais il n’y a pas que son titre qui mérite notre attention. Le contenu de l’article nous apprend notamment qu’une concession de 2 m², dans l’un des cimetières de Brissac Loire Aubance, ne coûte que 400 € pour une durée de 30 ans. Evidemment, une offre pareille ne se refuse pas ! Surtout au prix qu’atteignent de nos jours, les loyers du moindre boui-boui. Un rapide détour par votre calculette vous le confirmera :
400 € sur 30 ans, ça vous fait du 1.11 € par mois ! Soit 55 centimes le m². Franchement, ça n’est pas la mort !…
D’ailleurs, en cumulant mes salaires de bénévole à Radio G ! et au Prieuré de St Remy la Varenne, même moi, je peux m’offrir ce petit lopin de terre. Ça, c’est du logement social ! Bien sûr, 2 m², ça n’est pas bien grand ! En même temps, depuis toutes ces années où l’on nous a tellement incités à nous recentrer sur l’essentiel, 2 m², ce n’est déjà pas si mal…
Notre riante commune de Brissac Loire Aubance (BLA pour les intimes) nous précise toutefois que si chaque habitant de BLA peut prétendre à être inhumé dans l’un des 11 cimetières municipaux, sa dernière demeure ne se situera pas obligatoirement dans sa localité favorite. Un plan B pourra lui être suggéré. Pour faire court, dernières volontés et premier choix ne sont pas forcément compatibles.
Plus loin en bas de page, l’auteur(e) nous rappelle que « perpète », c’est de l’histoire ancienne. A l’image des peines de prison, ce qui naguère était présenté comme définitif ne dure qu’un temps, de nos jours. Eh oui, tout s’accélère ! Et donc… que faire des défunts qui tapent l’incruste ? La commune de Brissac Loire Aubance le souligne : il y a nécessité à récupérer d’anciennes concessions pour les « remettre sur le marché ». Il faut toujours avoir en mémoire le destin des générations montantes. Quand bien même ce destin serait funeste et juste inévitable. Place aux jeunes en quelque sorte !…
Finalement, si l’on veut gloser autour de cette notion d’éternité, l’on se rend compte qu’il n’y a plus que pour faire durer un mariage, que l’on fait des concessions… à perpétuité.
Mais revenons, après cette digression matrimoniale, à ce dossier spécial « champ de navets ». A sa lecture, j’ai également été attiré par deux encarts. L’un est consacré au tri sélectif.
Au « tri sélectif », dis-tu ? !…
Ne sois pas affolé comme ça, mon neveu. On ne te demande pas de mettre dans un bac les ossements de Pépé et dans l’autre les viscères de Grande-Tata. Non, mon jeune ami, il s’agit de séparer le plastique du périssable ; les « fleurs fanées » (en gros, les types dans mon genre) disposant d’un container qui leur est réservé.
Et puis, j’ai relevé que BLA a décédé (pardon, a « décidé ») de se moderniser. Ainsi, bientôt, grâce à ton smartphone, il te suffira de te tourner vers un QR code à l’entrée du cimetière, pour retrouver sans peine l’emplacement de ton défunt préféré. A notre époque qui transpire le modernisme, même les cadavres seront prochainement connectés.
Et tu vois, je me demande si plutôt que de prendre sans cesse le mors aux dents (l’option « mort aux dents » concerne les seuls croquemorts), je ne devrais pas pour ma prochaine chronique, me montrer muet comme une tombe…
Et bien évidemment, la version pour celles et ceux qui privilégient l’ouïe à la vue, c’est par ici, via le « pot de caste » de Radio G !. Cela débute à 41’14.
C’est très drôle, ce QR code, on dirait du Mocki !!!!
Par contre, le « tri sélectif », ce n’est pas nouveau. Il suffit, pour s’en convaincre, d’aller faire un tour dans les catacombes !!