Cette nouvelle boulette angevine est un peu particulière, car elle fait la part belle à un charabia spécifique, celui des entreprises. Celui que certaines d’entre elles pratiquent pour s’adresser à leurs client(e)s – potentiel(le)s ou avéré(e)s. Donc, Lecteur, Lectrice, une question aujourd’hui me préoccupe. Je me demande si tu parles couramment le « Véolia ». Parce que tu vois, j’ai récemment reçu de la part de cette entreprise, un message que je qualifierais de sibyllin, et je cherche en vain un(e) traducteur/trice. Non ? vraiment pas ?… Tu déclines ma proposition ? Tu souhaites sans doute obtenir davantage de précisions avant de relever le défi ? Soit.
Mais avant d’en venir directement aux faits, je me dois de t’indiquer le contexte. J’ai la chance d’habiter une commune où la distribution de l’eau potable est confiée à Véolia. Ce qui me permet notamment de payer plus cher d’abonnement que de consommation. En gros, rien ne sert de me montrer économe en matière de ressources naturelles. Eh oui, c’est ainsi, même si je ne touchais jamais au robinet – préférant systématiquement à une bonne douche, le bain de poussière « façon bourricot vautré dans son pré » – je devrais toujours de l’argent à M. Véolia qui chouchoute tant ses actionnaires. Je pense que la notion « d’argent liquide » s’adapte sacrément bien aux gestionnaires des réseaux d’eau potable. Mais c’est un autre sujet…
Au début de ce mois d’octobre, un sympathique employé de M. Véolia est passé à la maison pour en relever le compteur d’eau. L’homme avait préparé, en prévision de mon absence, un imprimé sur lequel j’étais censé indiquer les chiffres figurant sur mon compteur. Comme tu t’en doutes, l’imprimé s’est avéré inutile ; l’employé de M. Véolia s’étant lui-même chargé d’effectuer ledit relevé (après tout, il s’était déplacé pour ça !), ajoutant que la facture suivrait d’ici quelques jours. Quelle ne fut donc pas ma surprise lorsque moins d’une semaine plus tard, je trouvai dans ma boîte aux lettres un imprimé semblable à celui évoqué précédemment – et correspondant exactement à mon numéro d’abonnement – me demandant de procéder moi-même, au relevé de mon compteur d’eau,… car j’étais absent lors du passage de l’employé de M. Véolia. Stupeur et interrogations.
Le lendemain, je tentai de contacter, par téléphone, les services de Véolia, afin d’obtenir des explications. Au bout de longues minutes passées à entendre une voix déshumanisée me suggérer de « taper 1 si ma demande concernait ceci », de « taper 2, 3 ou 8 » si ma demande relevait d’une autre démarche », et sans qu’il me soit hélas proposé de « taper 155 voire davantage » afin de coller deux claques à ce robot qui commençait à me « taper » sur les nerfs, il me fut enfin suggéré d’essayer de régler mon problème, via le site Internet de l’entreprise. Trop d’appels émanant de rigolos dans mon genre saturaient en effet les capacités des services de M. Véolia.
Sans plus attendre, je me rendis dans les méandres du « trois double V » de M. Véolia, pour y trouver une structure aussi bien rangée qu’une chambre d’adolescent mâle. L’odeur en moins bien sûr, car celle-ci ne peut – pour le moment – être restituée depuis les canaux du ouebe. Après un temps suffisamment long m’amenant à constater que mon aptitude à la patience avait encore régressé, laborieusement, je dénichai une pauvre fenêtre m’invitant à y déposer ma doléance, par le biais d’un courriel. Ce qui fut fait. Ne me restait plus qu’à patienter jusqu’à la réponse des services compétents.
Quelques jours plus tard, je reçus un courriel rédigé en des termes me démontrant sans ambages que je ne parlais pas le Véolia. Ce message, Lectrice, Lecteur, je te le livre in extenso :
Déconcertant, n’est-ce pas ? Là, tu te dis, ami lecteur, ami lectrice, que taquin comme je le suis, j’ai « bricolé » cette réponse. Eh bien, pas du tout, je l’ai imprimée sans aucun trucage, elle est parvenue telle quelle dans ma messagerie !
J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’un message d’attente généré par un robot. Détail savoureux : quand j’ai eu fini de rédiger ma question sur le site de Véolia, je me souviens qu’il m’a été demandé de confirmer que je n’étais pas, moi-même, un robot. Nous vivons décidément une époque d’une fabuleuse modernité.
Bien sûr, la modernité ne s’arrête pas aux étranges messages qui peuvent nous être envoyés par les robots de la galaxie Internet. Le bizarre se loge aussi dans les attestations que fournissent certaines entreprises, afin de garantir les produits qu’elles proposent à leurs clients ; ceci afin de rassurer ces derniers sur la qualité desdits produits. Je dirais même que certaines de ces entreprises vont jusqu’à vraiment mouiller le maillot. Tu vas comprendre, dans un instant, Lectrice, Lecteur, pourquoi j’emploie cette métaphore. Il s’agit ici du concepteur de piscines Waterair. Celui-ci nous indique ainsi :
» Le système de filtration équipant nos piscines fonctionne en circuit fermé, et ce, dans un souci d’environnement.«
La belle affaire ! C’est précisément le « propre » d’une piscine (si j’ose employer cet adjectif pour qualifier un équipement qui peut virer aisément au bouillon de culture), que de fonctionner en circuit fermé. Ben oui, si l’on était en circuit ouvert, cela ne coûterait plus seulement un bras d’avoir chez soi une piscine, mais également l’autre bras et les deux jambes. De quoi vous bloquer quand vous nagez la brasse papillon. Quant au souci d’environnement, chacun(e) pourra gloser autant que moi sur le fait que chaque vendeur d’absolument n’importe quoi se sert désormais de cet argument pour écouler sa marchandise. De nos jours, si tu ne parles pas d’environnement – quand bien même ce serait pour placer un stock de charbon ou de plutonium – tu ne vends plus rien.
Mais M. Waterair va plus loin :
» Nos piscines n’ont donc pas besoin de branchement d’arrivée d’eau potable, et de renvoi au tout à l’égout, contrairement à une filtration à sable, où il faut pour nettoyer le filtre, un renvoi d’eau sale au tout à l’égout et une arrivée d’eau potable pour remplir la piscine. »
Là, cela devient un poil nébuleux. Et l’on se demande si ce n’est pas un robot de chez Véolia qui a rédigé ce joyeux charabia, ou s’il n’a pas été traduit du Nord-Coréen par un collégien stagiaire. En tout cas, la piscine que l’on ne remplit pas de flotte, c’est franchement révolutionnaire, non ? Ça, ça économise vraiment les ressources naturelles.
Ayant lu Tintin dans ma jeunesse, je connaissais bien la Boucherie Sanzot, et voici que surgit la piscine du même nom ! Mais, entre nous, une piscine que l’on ne remplit pas, ce n’est pas un peu dangereux pour y piquer une tête ? Ou alors, l’on attend juste qu’il pleuve suffisamment ?
Est-il besoin de préciser que ladite attestation n’est ni datée, ni signée, et qu’elle a pourtant été versée en tant que « pièce à conviction » pour valider le projet de construction d’une piscine ?…Quand je vous répète que nous vivons une époque d’une stupéfiante modernité !…
Cette boulette angevine est disponible dans sa version radiophonique en allant écouter l’émission « Topette » du 27 octobre. Cela démarre à 1’04 », mais vous pouvez évidemment écouter l’intégralité de l’émission consacrée au « Street Art » angevin. Grapheurs, Grapheuses, cette émission est la vôtre !
Moi pas parler robot, mais souvent en contact téléphonique avec robot. Allez comprendre pourquoi mon brave Albert.
Mot d’ordre : NE NOUS FACHONS PAS, mais quand même…
Je suis persuadée que ta boulette angevine en a frappé plus d’un(e) et que la minute, voire l’heure, téléphonique fatidique est revenue en mémoire de certain (e).
Je citerai un appel à l’opérateur ORANGE pour ouvrir une ligne téléphonique à TROISSEREUX.
Après avoir cliqué sur le 1, attendu 5mn, puis sur le 2, attendu encore 5mn, une voie suave me répond : « machine » à votre écoute, que puis-je faire pour vous ?
J’ indique donc à « machine » que je souhaite ouvrir une ligne téléphonique à telle adresse. Elle note donc les nom, prénom, la rue et là GROS SOUCIS quand je lui dis que j’habite à TROISSEREUX, il y a un blanc et elle m’affirme que la commune n’existe pas !
Comment ça, lui dis-je ? Je lui précise tout de même que la commune en question compte 1200 habitants et qu’ils n’ont pas disparu du jour au lendemain.
« Machine » fait donc un effort et me demande si j’habite à BONNIERES, JUVIGNIES, MILLY SUR THERAIN, HERCHIES et elle me cite une dizaine de communes, sauf……. TROISSEREUX.
Tout en gardant mon calme, je lui suggère de créer la fameuse commune disparue, faute de la trouver sur son ordinateur. Là elle commence à bafouiller et je me demande si je ne vais pas faire la route et me rendre directement au siège social de l’opérateur ORANGE pour prendre en main son fichu PC.
Après 30 mn d’explications dans le vide, »machine » décide de me passer ENFIN son responsable
Le responsable en question commence donc sa conservation ainsi : »bonjour Madame, « machin responsable » à votre service, que puis-je faire pour vous ?
Vous n’imaginez-pas ma réaction ? On aurait pu me confondre avec un arc-en-ciel ! Je suis passée par toutes les couleurs, orange devait en faire partie.
Il n’avait pas suivi la conversation et, à ma grande joie, j’ai donc tout recommencé depuis le début.
Résultat : la commune de TROISSEREUX existe bien et la ligne a été créée ! OUF !!!
Il m’aura fallu tout de même une heure avec un robot pour en arriver là. Vive le progrès !!!
Je déteste les plateformes téléphoniques 🙁
Bonjour Albert
Cela fait plaisir d’avoir de tes nouvelles mais aussi de savoir que nous ne sommes pas seuls à subir la dure réalité de notre France si fière d’avoir détruit son industrie et toutes les productions pourtant indispensables (suivez mon regard masqué grâce à la Chine) pour se lancer avec un succès… qui se fait attendre dans le monde admirable des services… On voit le résultat. Chaque appel auprès de l’un de ces services se finit bien souvent comme l’exemple que tu relates.Si j’osais je ferais le lien avec ton autre témoignage de piscine sans eau en disant que nos services sont aujourd’hui de Grands Corps Malades…
Mes déboires ne se limitant malheureusement pas aux pauvres pièces que je t’ai déjà envoyées (et ça continue encore et encore, c’est que le début, d’accord, d’accord ?), saches que tu as dorénavant pour lectrice une absolue désespérée. Limite loque …
Alors, empathie et compassion, camarade ….