Je ne sais pas si je devrais vous le dire, mais j’ai franchement l’impression d’avoir pris comme un sacré coup de vieux. Bien sûr, je pourrais faire dans le déni. Du style : Euh, ça se voit tant que ça ?!…
Mais, c’est bon, il faut savoir se rendre compte que l’on n’est plus un perdreau de l’année depuis longtemps. Même si ça vous en fiche un coup quand ça survient ! J’aurais pu m’inventer un prétexte facile : c’était ma dernière chronique de l’année, au micro de Topette ! , et vlan, ça m’en a fichu un coup au moral !… Mais non, même pas.
En fait, c’est un détail, en apparence parfaitement anodin, qui en l’occurrence s’est révélé destructeur… et dans la foulée, m’a rendu sacrément lucide.
– Un détail comme quoi ?… » me questionneras-tu, lecteur, lectrice.
Et je te répondrai « parallèle ». Un parallèle que tu établis entre une situation passée (du genre : nom de d’là, qu’est-ce que c’était mieux avant !), et la réalité d’aujourd’hui ?… Ainsi, autrefois, jadis, ou même naguère… Bref, si je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, il m’est arrivé… de faire la fermeture des bars. Je l’avoue. Ma bouteille était déjà aux trois-quarts vide, mais pas pour les mêmes raisons. Et là, pas plus tard que la semaine dernière, badaboum ! je me suis retrouvé à faire… l’ouverture de l’épicerie de mon village.
Pour y acheter un bout de pain frais (oui, notre épicerie fait aussi dépôt de pain). Parfaitement, un malheureux bout de pain ! Si ce n’est pas un changement de statut, ça, je ne sais pas ce qu’il te faut, lectrice, lecteur !… Un statut qui montre bien que j’ai passé un cap sans retour. Alors évidemment, je pourrai tenter de me rassurer à peu de frais avec une formule comme » Bah, l’oiseau de nuit est devenu matinal, voilà tout… »
Il y aura d’ailleurs laissé quelques plumes au passage, le zoziau… A tel point que je me suis trouvé bien embarrassé pour pondre (puisque je viens de parler d’oiseau, je vais creuser le même sillon) mon ultime chronique radiophonique de la saison.
Alors, évidemment, j’aurais pu rédiger une nouvelle fois, un papier sur la guerre en Ukraine… Et l’adresser aux auditeur/trices soviétiques parfaitement bilingues qui écoutent mes petites méchancetés. J’aurais pu ainsi leur dire qu’en dépit de ce que peut leur raconter Radio Kremlin, il s’agit bien d’une guerre qui fait rage chez leur voisin ukrainien. Et que si les chars d’assaut payés avec leurs impôts ont franchi la frontière de cet état indépendant, ce n’est pas pour dégourdir leurs roues à chenilles qui s’étaient ankylosées, mais bien pour massacrer des civils qui n’ont rien fait. J’aurais pu dire quelque chose de ce genre.
J’aurais pu ajouter que j’ai découvert que le premier producteur mondial de tout et n’importe quoi, ce n’était plus la Chine, mais l’Ukraine ! Parfaitement. On fabriquait tout en Ukraine et je l’ignorais ! Et comme le conflit s’éternise, eh bien, il n’y a plus rien qui sort du pays !… A part des réfugié(e)s. Certes, aussi traumatisé(e)s que des Afghan(ne)s ou des Syrien(ne)s, mais nettement plus tolérables dans cette Europe si accueillante, parce que franchement moins basané(e)s…
Oui, entre Kiev et Odessa, on fabriquait absolument tout ce dont le monde a besoin. Sinon, comment expliquer qu’il soit devenu si compliqué de dénicher tantôt un pot de moutarde, tantôt de la farine de sarrasin, parfois encore des boulons de huit ?… Et lorsque l’on trouve enfin l’article, il n’est disponible qu’à prix d’or. Bon, si j’étais taquin, j’aurais pu ironiser en précisant que comme d’habitude, ce n’est pas la crise pour tout le monde, que la guerre a bon dos, et qu’elle permet à certains de tirer les Macron du feu… Pardon, les « marrons du feu », bien sûr !… Ah, tiens, voilà que je renoue avec les fautes de frappe !… Il y avait longtemps !
Alors, c’est sûr, j’aurais pu brocarder ces profiteurs de guerre qui ont eu le nez assez creux pour faire des stocks, avant que la pénurie ne s’installe – voire l’on carrément créée, en ouvrant au compte-gouttes le robinet de leurs entrepôts suscitant ainsi l’inquiétude – pour se décider à vendre tout le stock au prix fort, au moment opportun. De la pure stratégie commerciale. La pratique n’est pas nouvelle, déjà, aux tout débuts de la Révolution Française, les « Accapareurs » procédaient de la même manière. Quitte à orchestrer des famines, et quitte aussi à en perdre la tête. Au sens premier du terme.
Mais qui se soucie encore aujourd’hui de déontologie en matière de commerce ? Les scrupules sont-ils encore de mise au vingt-et-unième siècle ? Franchement !…
Non, ce coup de vieux m’a laissé avec la cervelle désespérément vide. Sans inspiration aucune. Les neurones à sec. Par conséquent, je me suis dit que pour la dernière de la saison, je livrerai un fond de tiroir, une très brève fiction. Lorsque je l’interprète sur scène avec mes chers complices, ceux-ci accompagnent le texte d’une jolie musique de Bach (Jean-Seb, comme on l’appelle entre nous !). Là, ce sera sans. Vous vous ferez vous-même votre bande son. C’est parti. Cela s’appelle : Stand up !
Sûr qu’après avoir lu ou écouté (voyez ci-dessous) cette très courte nouvelle, tu te diras, lectrice, lecteur, que le coup de vieux est bel et bien important. Voire qu’il ne date pas de la semaine dernière…
Bon, vous commencez à être habitué(e)s, si vous préférez la version audio de cette chronique, ou même si vous souhaitez opérer une comparaison avec la mouture écrite, rien de plus facile, il suffit pour cela d’aller faire une escapade sur le « pot de caste » de Radio G !. Cela démarre à 1’00 « tout juste.
Quelle ponctualité chez l’ami Pierre-Benoît ! C’est à se demander s’il n’a pas été coucou suisse dans une existence précédente… Durant cet été de l’an II du Covid, Topette fait une pause, mais le duo se reconstituera en septembre. Pour patienter, vous pouvez toujours réécouter nos prestations ; elles figurent au bas de chacune de mes humeurs transformées en « Bouteille aux trois-quarts vide ». Il commence à y en avoir un joli paquet de mises sur ce site.