Les amateurs de contrepèteries apprécieront.
Aujourd’hui, je me suis dit que j’allais vous parler… d’un simple détail.
– Juste un détail ? » t’interroges-tu, Lectrice, Lecteur.
Oui, mais bien moins anodin qu’il n’y paraît de prime abord. Je ne t’apprends rien, toi qui lis ces lignes et m’écoutes sur Radio G !, tu sais parfaitement que le diable se cache dans les détails… Ce qui est nouveau par contre, c’est de s’apercevoir que les effets du changement climatique s’y cachent aussi. Ce qui, je te le concède bien volontiers, va finir par faire pas mal de monde de caché dans les détails !…
Au moins, il y aura des endroits où l’on n’aura pas trop froid, cet hiver, grâce à la promiscuité ainsi créée !… Voyons avant tout le bon côté de la situation… Mais revenons à notre détail. Je viens de remarquer que les formulaires de dépôt de permis de construire ont été modifiés. Et ceci afin d’intégrer une tendance forte, observable dans le quotidien de nos concitoyens. J’ai nommé : la préoccupation majeure qu’est le bouleversement climatique.
Mais non, je blague ! Tout le monde s’en contrefiche du changement climatique. Tant qu’il ne fait pas brûler votre maison et qu’il ne fait pas succomber Pépé à une nouvelle vague de chaleur précoce, enregistrée dès le mois d’avril, il n’y a pas lieu de s’en soucier. Alors, de là à imaginer que l’Etat va modifier ses imprimés pour en tenir compte, l’hypothèse n’est même plus utopique, elle devient carrément farfelue. Et pourtant…
Oui, pourtant, les imprimés ont bel et bien été modifiés. Désormais, vous, heureux propriétaire, lorsque vous déposez une demande de permis, pour construire une annexe à votre maison, vous avez toujours une case à cocher pour faire savoir à votre mairie ce que vous comptez bâtir… mais parmi les choix possibles, l’ordre a été sensiblement revu. La hiérarchie entre les annexes a été renversée. Pendant longtemps, l’annexe-reine à l’habitation de M. Toulemonde, c’était évidemment… Lecteur, Lectrice, j’attends la réponse…
– Euh ? Le garage ?!… » dis-tu.
Et tu as raison. Parfaitement, le garage ! M. Toulemonde n’imaginait pas une seule seconde que sa voiture couchât à la belle étoile, comme n’importe lequel de ces SDF qui décidément choquent le regard, à étaler leur misère sur les trottoirs de nos belles cités urbaines. Impensable que le rutilant véhicule n’ait point un toit sur sa carrosserie, alors que même le chien qui bave squatte les coussins moelleux du canapé. L’injustice devait être réparée, et le garage était là pour ça. Scrupuleusement en phase avec les désirs profonds des Français, l’imprimé du permis de construire faisait la part belle au garage, en le mettant – si j’ose dire – en pole position, loin devant les autres annexes, véranda et abri de jardin notamment. Et puis, patatras, voilà que le réchauffement climatique a rebattu les cartes. Une annexe nouvelle s’est imposée et a détrôné le garage, grimpant ainsi sur la première marche du podium. Et cet outsider n’est autre que… Lectrice, Lecteur, je sais que tu as la bonne réponse…
Et tu me réponds : La piscine ! »
Quelle intuition ! Excellente réponse qui te permet de gagner un seau de chlore longue durée pour désinfecter ton bouillon de culture personnalisé ! Bravo !
En effet, la toute première possibilité d’annexe à la construction principale, c’est dorénavant la piscine. Voilà qui va faire plaisir aux ennemis jurés du moteur à explosion. L’automobile entame son déclin. La bagnole, t’es foutue, la piscine est dans toutes les rues !
L’Administration, toujours en avance sur son temps (toi qui lis ces lignes en souriant, cesse donc de ricaner !), a décelé l’évolution qui est en marche. Darwin, c’est de la petite bière, comparé à ce que nous vivons. A chaque canicule, à chaque été un poil plus torride que le précédent, et paradoxalement, après chaque sécheresse qualifiée d’historique, les piscines se mettent à pousser comme des champignons. Bientôt, il n’y aura peut-être plus d’eau au robinet pour épancher notre soif de déshydratés sévères, mais qu’à cela ne tienne, le particulier construit sa piscine, avec en tête un seul mot d’ordre : après moi le déluge ! C’est à croire que pour tout achat d’une piscine, on gagne un abonnement à « Fuite en avant magazine »…
Bien évidemment, les confinements successifs ont encore amplifié la tendance. Et tant qu’à devoir rester cloîtré chez soi, autant avoir la possibilité de piquer une tête, pas vrai ?… Ben oui, tandis que le thermomètre s’affole, l’heureux propriétaire creuse avec acharnement, non pas pour trouver du pétrole, mais pour se préparer une oasis de fraîcheur, dans son terrain au cœur du lotissement. L’intimité ne sera vraisemblablement pas au rendez-vous, mais qu’importe, l’essentiel consiste à éviter sa petite surchauffe personnelle… Et accessoirement à montrer que l’on a atteint un certain statut social, ce qui – cerise sur le gâteau – ne manquera pas de rendre jaloux les voisins qui n’ont pas encore franchi le pas. L’ampleur de cette mode a du reste amené une élue, particulièrement visionnaire, de la riante commune de Brissac Loire Aubance, à envisager la suppression de la piscine municipale :
1) Parce qu’une piscine accueillant du public, cela coûte un pognon de dingue
2) Parce qu’aujourd’hui, tout le monde a sa piscine
Sa propre piscine, paraît-il. Et non pas sa piscine propre. Je pense que tu perçois, Lectrice, Lecteur, la nuance. Car, c’est sûr, avec les restrictions concernant les usages de l’eau, le bassin sera rempli, au printemps, une bonne fois pour toutes, et basta ! Hors de question par conséquent d’apporter de l’eau neuve au cours de l’été, et bien vite, la belle piscine pour laquelle on se sera endetté, ne tardera pas à ressembler au mieux à la mare aux canards, au pire à un triste cloaque. Si en plus le niveau n’y baisse pas de 50 cm, sous l’effet de l’évaporation, métamorphosant la piscine en pataugeoire…Ce qui me rappelle un joli dessin du regretté Cabu. On y voyait un solide gaillard à moustaches qui, s’adressant visiblement au journaliste l’interviewant, tenait ces propos empreints d’un réalisme qui frisait l’anticipation :
– Cette année, on passe nos vacances au bord de notre fosse septique. Au moins, on sait ce qu’il y a dedans !
Si vous préférez la version audio de cette chronique, rien de plus facile, il vous suffit d’aller plonger par ici. Cela démarre à 3’13 ».