Je peinais à trouver un sujet pour cette nouvelle chronique, et puis – comme souvent à vrai dire -, le thème s’est imposé de lui-même. Au moment où je m’y attendais le moins. C’est en me rendant au bac à compost au fond de mon jardin que l’idée m’est venue. Je te l’accorde, ami lecteur, amie lectrice, ce n’est pas, a priori, l’endroit idéal pour y dénicher l’inspiration. Quoique.
Mais avant d’aborder franchement mon thème du jour, il me semble qu’un bref rappel susurré par Georges Brassens n’est sans doute pas inutile dans le cas présent. Il s’agit de deux vers piochés dans sa chanson intitulée « Dom Juan ».
– Gloire à qui n’ayant pas d’idéal sacro-saint, se borne à ne pas trop emmerder ses voisins. »
Et la partie essentielle dans ce duo d’alexandrins, c’est évidemment…
« Emmerder ses voisins ! » me dis-tu ? Pas loin. Mais tu vois, je miserais plutôt sur « ne pas trop ». Car il est notoire que l’on exaspère toujours, au moins un peu, ses voisins. C’est incontournable. Pour peu que Tata Ginette que vous avez eu la bonne idée d’inviter ce dimanche, rigole un peu trop bruyamment à l’apéro, après avoir sifflé ses deux kirs. Ou que vous vous rendez compte que vous avez soudainement quelques branches à tronçonner de toute urgence, à l’heure de la sieste. Je passe évidemment sur les choix musicaux du voisinage qui s’avèrent rarement en adéquation avec les vôtres. D’autant plus lorsqu’ils sont à deux doigts de vous crever les tympans.
La difficulté consiste par conséquent – dès lors que l’on a des voisins – à limiter son propre pouvoir de nuisance. Comme c’est le cas de beaucoup d’entre nous, quelque chose me dit que cette chronique devrait intéresser pas mal de monde. Et je n’hésite pas à penser que, grâce à elle, je vais me faire quelques ami(e)s.
J’étais donc devant mon bac à compost pour y déverser des épluchures de légumes, quand je sursautai. L’ouverture – pourtant discrète – du couvercle dudit bac à compost suffit en effet à faire aboyer le chien de mes voisins. Indéniablement, la bête a l’ouïe fine ; l’animal ne pouvant m’apercevoir, car un mur plein d’un bon mètre soixante-dix de hauteur sépare les deux terrains, et de ce fait, empêche tout vis-à-vis. Bon, je ne sais pas comment vous voyez les choses, auditeurs, auditrices, mais moi, j’ai horreur que l’on me gueule dessus. Surtout quand je suis chez moi – c’est un vieux fond de territorialité qui sommeille en moi – et encore moins quand je n’ai rien fait de répréhensible. Si encore j’avais tenté d’escalader la clôture pour voir ce qui s’y passait derrière, j’aurais pu admettre la vigilance du canidé. Mais que ce sac à puces réagisse à la moindre fausse alerte, en lançant sa machine à produire du décibel, n’a fait que raviver mon aversion pour ses congénères. Vous me direz : le chien aboie, le compost s’entasse… Sans doute. Néanmoins, quand un chien perd une bonne occasion de fermer sa gueule – et si possible pas sur l’un de mes mollets – c’est toujours regrettable.
Aussi, ai-je rapidement songé à la place qui était réservée à ces foutus clébards dans nos sociétés humaines. Et si l’on considère que le chien est le meilleur ami de l’homme, ça ne le bombarde pas pour autant celui des voisins de son maître. Le volume sonore que peut produire le quadrupède associé à la durée avec laquelle il peut maintenir l’intensité de ses vocalises, ne garantit pas en effet, des relations de voisinage optimales. Il est du reste un tantinet réducteur de penser que la gueulante du chien ne casse que les oreilles. Parfois, cela descend bien plus bas dans l’organisme de la personne soumise aux aboiements…
Je n’hésite d’ailleurs pas à affirmer, en dépit des louanges que l’on réserve aux chiens d’aveugles, que le chien incarne l’animal de compagnie idéal… pour les sourds.
Voilà pour le volet acoustique de l’affaire – tu noteras, lectrice, lecteur, que je n’ai pas dit « unplugged ». Passons maintenant à son aspect solide, et dans les situations les plus malchanceuses, à ses retombées odorantes qui concernent toute l’espère, du chihuahua au berger allemand.
On relèvera d’ailleurs que le chihuahua synthétise en seulement trois syllabes, tout ce que ce chien est capable d’accomplir. Avec un nom pareil, un tel animal s’avère sans surprise.
Du chihuahua donc, au berger allemand qui lui, n’a pas oublié qu’il possédait des restes de sympathie nazie dans son génome. Ce qui me le rend aussi attirant que le serait la perspective de côtoyer M. Poutine.
Je passerais évidemment sur la propension des chiens à vous renifler l’entrejambe sans vergogne, et si possible en public, alors que votre layette est fraîche du matin. Et que dire aussi de leur tendance à plaquer leurs grosses pattes boueuses sur vos fringues propres, pour entendre leur maî-maître affirmer, lui aussi sans honte aucune :
– Il n’est pas méchant, il veut juste jouer…
Sauf que les frais de nettoyage seront pour votre pomme. Mais ne noircissons pas trop le tableau, tant il est vrai que le chien, par certains de ses travers (oserais-je dire « par son savoir-faire »), nous délivre une bonne dose de bonheur… pour peu que nous ayons écrasé les traces de son passage avec le bon pied. A ce propos, toi qui me lis, je me dois de te faire une confidence.
Au point où nous en sommes, n’est-ce pas…
Tu vois, j’ai été surpris en arrivant ici, à Angers, voici de cela pas mal d’années maintenant, de constater que les gens du cru avaient les yeux rivés au sol, lorsqu’ils marchaient dans les rues du centre-ville. Au début, j’ai pris leur attitude refusant de croiser le regard du piéton qui arrivait en face, pour de la timidité. Et puis, j’ai compris que la population canine locale en était responsable. Relever la tête de la contemplation du sol pouvait en effet s’avérer lourd de conséquences pour l’état de ses chaussures.
Bien sûr, l’on est souvent tenté d’opposer la fidélité du chien – personnellement, j’y vois plutôt de la servilité – à l’indifférence du chat. Je ne trancherai pas, même si je me réjouis de savoir qu’il n’y a pas de chat policier.
La prochaine fois, je vous ferai le portrait sans complaisance des acariens, je suis sûr que cela sera beaucoup plus consensuel.
La version « pour les oreilles » de cette humeur est bien sûr disponible en allant musarder sur le « pot de caste » de Radio G !. Cela commence à partir de 2’40 » , mais n’hésitez pas à écouter toute l’émission.