Kevin, mon cher neveu, si je te dis : Ballan-Miré, bureau de tabac, fin décembre 2023, tu me réponds ?…
– Ah, sans hésiter, Tonton, je te réponds « sanglier » !…
Et tu auras raison. Bravo ! Je vois que mes chroniques n’ont pas de secret pour toi. Maintenant, mon neveu, si je te dis Saint Remy la Varenne, Ecole Saint Aubin, février 2024, tu me réponds ?
– Ah là, mon tonton, ça n’est pas facile !… Alors, à tout hasard, je tenterais « sanglier aussi … ».
La perspicacité de ce garçon m’étonnera toujours. Bonne réponse. Même si cette réponse s’avère incomplète…
– Comment ça, incomplète ?…
Eh bien, pour avoir tout bon, et pas qu’une partie de la réponse, à « sanglier », il fallait que tu ajoutes « meute de chiens » !…
– Les chiens, les grands copains de Tonton Albert…
Moque-toi de moi, jeune insolent. Si tu avais subi, comme moi, durant d’interminables minutes, les vociférations en continu de ces sales bêtes sélectionnées pour la chasse au gros gibier, qui au bas mot, ne devaient pas être loin d’une trentaine, tu te rangerais sans doute derrière ma bannière anti-canidés.
– Mais dis-moi, Tonton que fabriquait cette meute de chiens à proximité d’une école. Une école implantée en centre-bourg de Saint Remy, j’imagine ?
Eh oui, Kevin, comme tu t’en doutes (toujours cette perspicacité !), les deux écoles de Saint Remy la Varenne n’ont pas été bâties en rase campagne, mais bel et bien au plus près des habitations ! Mais revenons, si tu le veux bien, à Médor et à sa clique de gueulards, qui étaient, si je puis dire, livrés à eux-mêmes, étant donné qu’aucun bipède ne jouait, pour cette chorale de quadrupèdes, le rôle de chef de chœur.
Compte-tenu de l’étroitesse de la rue, les chiens occupaient la totalité de l’espace, empêchant clairement la circulation que ce soit en voiture, à vélo, ou même à pied. Très vite, je découvris que ce tintamarre était dû à la poursuite d’un sanglier par la meute. Au moins, celui-ci n’avait-il pas sombré dans le tabagisme, comme à Ballan-Miré, mais cherchait, semble-t-il, en prenant le chemin des écoliers, à s’instruire.
Face à cette situation pour le moins incongrue dans un centre-bourg, les enseignantes ont par prudence, écourté la récréation des enfants. Sans doute afin d’épargner à leurs élèves le « spectacle » de la possible curée du sanglier, sous leurs yeux encore candides. Au moins, il y a des gens qui savent prendre la mesure d’une situation qui part en saucisse ; ce qui n’est visiblement pas le cas des membres de la Société de Chasse locale.
Il n’a en effet pas effleuré l’esprit de ces valeureux tartarins de l’Anjou que leur proie, en pénétrant dans la zone habitée, leur échappait, et que persister dans la traque risquait d’entraîner des accidents… et qu’il était, par conséquent, plus que temps de rappeler la horde hurlante de leurs chiens. Et tant pis si le sanglier était parvenu à déjouer l’opiniâtreté imbécile de leurs auxiliaires à pattes !
Mais il s’avérait inconcevable pour nos brillants stratèges pourfendeurs de nuisibles, que la promesse du cuissot de sanglier s’éloignât. D’où leur obstination à ne pas rappeler leurs molosses. A moins, bien sûr, que l’obéissance de leurs chiens n’ait basculé dans l’illusion la plus complète, la chimère à l’état pur, faute d’avoir bénéficié au préalable d’un dressage adéquat.
Le président de la société de chasse, qui n’est pas le mauvais bougre, mais probablement pas non plus l’un des prochains prix Nobel, s’interrogeait sur ce dérapage :
– Mais pourquoi le cochon est parti vers le village ?…
Bonne question ! Ben, ledit cochon essaie simplement de sauver sa peau, tu vois.. Et je prends même le pari qu’il ne sait pas qu’il est estampillé « nuisible ». Au fait, tu ferais quoi, à sa place, mon bon président, si tu étais poursuivi par une meute de chiens évoquant une descente de la Gestapo ? Tu ne tenterais pas de déjouer la stratégie de ceux qui en veulent à ta vie ?…
Et donc, que ce serait-il passé si par malchance, la grille de l’école avait été ouverte, et que le sanglier affolé se serait réfugié dans la cour, alors qu’avait lieu la récréation des enfants ?… De plus, dans cette partie du bourg de Saint Remy, des personnes se déplacent à l’aide d’un déambulateur (non, ce n’est pas mon cas, et je suis encore suffisamment en forme pour botter l’arrière-train de l’un de ces bruyants semeurs d’étrons). Que serait-il advenu si l’une de ces personnes avaient été renversée – voire mordue – par ces animaux en divagation ? On aurait parlé alors d’un simple dégât collatéral ?…
Sache pour ton information, mon cher Kevin, que la divagation d’animaux sur la voie publique est passible d’une amende maximale de 750 €.
– Voilà qui peut s’avérer dissuasif. Surtout si c’est 750 € par animal !…
En effet, mon neveu. J’ai d’ailleurs posé la question à la brigade de gendarmerie. Mais le militaire n’a pu m’indiquer si l’amende était forfaitaire, ou si elle pouvait être multipliée par le nombre de bestiaux en errance. Cependant, la question ne se pose pas dans le cas présent, étant donné que le législateur estime qu’il ne peut y avoir divagation lors d’une opération de chasse. Comme chacun(e) le sait, le lobby de la chasse n’est pas très actif dans notre pays !…
On peut du reste le constater dans les décisions de justice concernant des chasseurs ayant tué accidentellement soit un promeneur, soit un autre chasseur. De tels drames ne se concluent que rarement par de la prison ferme – juste du sursis. Et quand de la prison ferme est prononcée, il y a aménagement de peine sans incarcération. C’est à se demander s’ils ne chassent pas tous, les présidents des tribunaux ?…
Allez, je vais néanmoins terminer par une note positive. Je te sens dubitatif, mon petit Kevin. Ça n’est pas gentil de ta part.
Eh bien, une fois n’est pas coutume ! Car ayant joué modestement les lanceurs d’alerte auprès de la mairie de ma commune, Madame le Maire de Brissac-Loire-Aubance a pris toute la mesure potentiellement accidentogène de cet événement. Elle s’en est servi pour adresser un rappel à la vigilance aux différentes sociétés de chasse de ce territoire. Notamment, en soulignant qu’il serait pertinent de ne pas laisser les entrées des bourgs accessibles aux gibiers traqués. Du pur bon sens ! Ne reste plus qu’à appliquer ces consignes afin que les rues de nos villages ne deviennent pas le nouveau « terrain de jeu » des tartarins du coin.
Et puis, pour la version dialoguée avec l’ami Pierre-Benoît qui remplace fort bien mon neveu Kevin, vous connaissez le chemin. Cela démarre à 1’58 » (oui, pour une fois, c’est tôt !), et bien évidemment, vous êtes vivement invité(e)s à écouter l’émission dans son intégralité. Vous serez alors incollables sur la vie culturelle angevine…
Tout près de chez moi, existe une route à voies multiples : 2 vers Dreux + 1 longue voie de décélération et 4 vers Paris, la nationale se dedoublant (2 + 2) pour desservir 2 autoroutes un peu plus loin. Tu imagines le trafic et la vitesse des véhicules -limitée à 110-.
Et tous les ans, je vois fleurir le même immense panneau jaune « ATTENTION ZONE DE CHASSE ».
J’ai beau ouvrir l’oeil, je ne crois pas pouvoir déceler à temps l’arrivée imminente d’une balle perdue ni pouvoir anticiper avec succès le saut du cerf traqué au dessus du terre plein central…
Vivement qu’on tire la chasse, ça pue.