Mâche ou crève !

 

Ah là là ! nos certitudes n’en finissent pas d’être bousculées… Jusqu’ici, l’on considérait qu’il n’y avait pas mieux que le glyphosate pour d’une part, faire un bien fou à l’environnement, et d’autre part, préserver notre santé. Et patatras, voilà qu’arrive l’outsider que l’on n’attendait pas, j’ai nommé le métam-sodium ! Le métam-sodium, qu’est-ce que c’est ?

Oh, avant tout, c’est un mal-aimé. Interdit de séjour dans nombre d’états de l’Union Européenne, il reste toléré en France. Ce doit être notre côté « Terre d’asile » qui ressort… Et comme le métam-sodium n’est pas une molécule « trop basanée », on l’accueille bien volontiers dans nos champs et sous nos serres où poussent des fraises calibrées comme des boulons de huit, et cette mâche qui fait la fierté des maraichers nantais.

La mâche précisément, vous l’avez vue, jouant les stars au rayon « légumes » des supermarchés ? Dans son emballage plastifié, avec juste ce qu’il faut de gouttelettes d’eau pour évoquer la fraîcheur, elle a l’air de pouvoir rester comestible au moins six mois. Ah, que de chemin parcouru, n’est-ce pas, pour celle qui n’était au départ, qu’une « mauvaise herbe » apparaissant çà et là entre les rangs de vignes !… La voilà bichonnée, plébiscitée.

A tel point que le département de la Loire-Atlantique ne lui suffit plus, et qu’elle s’installe en Anjou où elle fait part de ses exigences de Grande Dame du Pays Nantais. Madame ne veut plus voir la moindre bestiole dans le sol où elle consent à pousser. Il lui faut pour support, quelque chose d’aussi impeccable qu’une salle d’opération du CHU.

Alors avant de l’installer, on stérilise au métam-sodium ! Pas de quartier pour le microbe ou pour le moindre ver de terre qui passe dans le coin ! On pulvérise gaillardement. Jusqu’à 1200 litres à l’hectare nous apprend Ouest-France. Petit détail complémentaire : notre désinfectant miracle a la particularité d’être volatil. Donc,…gare aux riverains qui auraient l’idée saugrenue de respirer durant l’épandage de cette merveille de la chimie !

Il faut dire aussi que ce n’est pas toujours futé un riverain. Les riverains, moi, j’en connais qui respirent sans masque à gaz dans leur jardin. Entre nous, ils ne savent pas ces imprudents qu’un pesticide (ah pardon, il est vrai que l’on dit « produit phytopharmaceutique » en politiquement correct), ce n’est pas un placebo ? Allons !… Et après, vas-y que je tousse, que j’ai les yeux qui pleurent, que je fais des malaises, et que j’appelle les pompiers ! Pompiers qui à leur tour se font intoxiquer. Tout ça pour un malheureux produit chimique balancé sans réelle précaution sur la parcelle voisine, parcelle qui abritera bientôt une mâche nantaise au teint si naturel et à l’inimitable léger goût de noisette !… Si l’on ne peut pas accepter un peu de désagrément, vraiment !

D’autant qu’un arrêté préfectoral du 20 janvier 2017 définit les conditions d’épandage du métam-sodium en Maine-et-Loire. Tout prestataire assurant cet épandage est censé les respecter, notamment en humidifiant les sols une fois le travail terminé, afin d’éviter la propagation du produit dans l’air… et en prévenant la mairie de la commune où se trouvent les champs ciblés ; la mairie étant chargée d’avertir les riverains des risques encourus.

Là, manifestement, et par trois fois en quinze jours, le prestataire a eu autre chose à faire que d’attraper son téléphone pour appeler la mairie. A tous les coups, il ne devait pas y avoir de réseau dans les parages ! Ou alors il a misé sur le côté visionnaire du maire. Vous savez bien, le fameux « gouverner, c’est prévoir ». Et puis, franchement, s’il n’y a plus une seule boule de cristal qui marche dans les mairies, hein, ou va-t-on ?!…

Au final, une innocente molécule sortie des laboratoires du Docteur Frankenstein, risque de faire les frais de toute cette histoire d’intoxications à répétition. Tout ça parce que des riverains téméraires ont préféré aller ramasser les derniers dahlias de la saison, plutôt que de rester cloîtrés chez eux à regarder la télé, comme de dociles citoyens honnêtes.

Car Ouest-France, dans son édition du 17 octobre, nous apprend que les jours du métam-sodium seraient comptés. L’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire envisagerait d’interdire définitivement l’usage de ce produit qui pourtant, a tant œuvré en faveur de la biodiversité. C’est profondément injuste. Alors que si l’on avait pris la peine de distribuer quelques masques à gaz ici ou là, comme jadis à Verdun, on n’aurait jamais entendu parler du métam-sodium, et le maraîcher consciencieux aurait pu continuer à zigouiller tranquillement toute cette vermine qui grouille dans le sol.

Si encore l’on pouvait compter sur un quelconque lobbying de la profession agricole, on serait rassurés !… Mais tout le monde sait que la commercialisation d’un produit à peine cancérigène ne pèsera jamais bien lourd devant le rouleau compresseur de la santé et de l’écologie. Quelle triste époque tout de même !…

Allez savoir pourquoi, à revenir sur ces événements qui ont jeté le discrédit sur une certaine agriculture respectueuse… du profit immédiat, je me suis souvenu d’Alphonse Allais. Oui, ce bonhomme qui voulait que l’on construise les villes à la campagne… parce que l’air y était meilleur.

 

PS : Pour celles et ceux qui souhaiteraient en prime s’offrir une version audio de ce texte, c’est parfaitement possible. Il suffit pour cela d’activer le podcast de Radio G, et d’aller chercher l’émission du 24 octobre de On est là pour voir le défilé.

Et puisque je vous parle de radio, pensez aussi à faire traîner vos petites oreilles par ici. L’émission de Sonia Kronlund (Les pieds sur terre du 7 juin 2019) revenait sur un « dialogue » ayant pour sujet l’usage des pesticides, entre leurs utilisateurs d’une part et leurs voisins d’autre part. Édifiant ! La position avancée par une agricultrice vaut à elle seule son poids de mauvaise foi arrosée au glyphosate.

 

 

 

4 commentaires sur « Mâche ou crève ! »

  1. Après avoir obéi à l’injonction du « 5 fruits et légumes par jour » (qui m’a toujours par ailleurs plongée dans une profonde perplexité d’appréciation purement comptable ), j’ai scrupuleusement traqué, mon petit porte-monnaie à la main, les labels « produit de terroir », « produit français », « voire -comme le précise un célèbre distributeur- « nos régions ont du talent ».
    Bref, j’ai eu tout faux. Mais par miracle, mes petits-enfants sont tous nés avec des mains et des bras : de quoi se plaint-on ? Hein ? Franchement ? ….

  2. J’ai été écouter ta (brillante) prestation, et en fait, je suis restée … Quels bons choix que ceux de Michel Boutet ! Cette version de Ange, que je ne connaissais pas, m’a tellement fait plaisir …. je croyais être la seule à me souvenir de ce groupe !!! Et Pierre Perret, poète visionnaire, David Bowie, que de l’éclectique et que du bon. Bravo à lui ….

    1. Je transmettrai à l’ami Michel.
      Je t’incite (et vous tous qui lisez ces lignes) à écouter ses chansons.
      Tout particulièrement, son album « Le silence du fleuve ». Magnifique.

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