Et si je te disais, lectrice, lecteur, qu’il y a du nouveau à St Remy la Varenne ? Non seulement du nouveau, mais aussi du très ancien. Tu vois, c’est le paradoxe de la ruralité. Passé et présent s’y télescopent, quand le futur ne s’y pointe pas en embuscade. Bon, j’imagine que toi qui lis ces lignes, tu aspires à ce que je clarifie quelque peu mon charabia temporel.
Aussi, voilà de quoi il est question. En ce moment, dans la rue principale de St Remy, il y a des travaux. Tu me diras, des travaux, il y en a partout. En tout cas, à St Remy, on remplace le réseau d’assainissement qui n’était pas en très bon état. Ce qui est un doux euphémisme. Par endroits, il devenait aussi étanche qu’une passoire… D’où la nécessité d’effectuer lesdits travaux. Sauf que l’entreprise qui intervient est tombée sur un os… Ou plus exactement, sur plusieurs ! Oui, un bon paquet d’ossements humains attendaient tranquillement qu’une pelleteuse s’en vienne leur apporter un grand bol d’air du XXIème siècle. Pour faire bon poids, on a aussi déniché un sarcophage. Tout près de l’église de St Remy.
Il était temps que ces gens qui roupillent probablement depuis le moyen âge, sachent enfin qu’il leur fallait refaire surface. Bon, tu vas me dire, lecteur, lectrice, que je suis jaloux, parce qu’avec mes insomnies, je n’ai pas besoin d’une pelleteuse pour être réveillé au milieu de la nuit. Un simple moustique suffit.
En tout cas, cette histoire de cadavre qui n’a rien d’exquis n’arrange pas le quotidien des riverains et encore moins les affaires des commerçants du village, qui, comme par hasard tiennent boutique dans la rue principale. Quelle idée aussi de s’implanter le long de la rue la plus passante du village !
Evidemment, avec ce genre de trouvaille, les travaux s’arrêtent !… Si je puis dire, c’est « temps mort ! ». Si encore on avait fait cette macabre découverte au moment d’Halloween, ça aurait pu, au contraire, créer de l’animation dans le village. Une citrouille ou deux autour du sarcophage, et c’était gagné. On aurait même pu organiser des veillées et, à la lumière d’une chandelle, lire du Edgar Poe, ou même crâne au creux de la main, rejouer Hamlet. Mais au lieu de ça, on attend. Non pas le messie, mais la visite de la DRAC, la Direction Régionale des Affaires Culturelles.
Car c’est bien sûr la DRAC qui va statuer sur l’importance archéologique de la découverte… et par voie de conséquence, sur le temps pendant lequel les travaux vont rester en pause. Et tu vois, lectrice, lecteur, je suis fasciné de constater qu’une personne morte voici des siècles puisse être encore capable de pourrir la vie des gens d’aujourd’hui qui :
Petit 1, ne sont pour rien dans ses malheurs de défunt d’un autre temps,
Petit 2, ne savent même pas qui elle est, cette personne qui dormait sous les canalisations du tout à l’égout. En gros, on n’a pas eu le tuyau qu’elle était là.
Bref, je suis enclin à penser que cet individu était, déjà de son vivant, un sacré casse-pieds. Car si tu considères juste mon modeste exemple, moi, je ne casse les pieds que de mes contemporains. Et encore, j’y vais mollo… Alors, tu me diras qu’il faut me garder de me montrer aussi optimiste. Il est en effet possible qu’après ma mort, je continue à faire suer des gens qui n’auront jamais écouté mes « bouteilles aux trois-quarts vides » sur Radio G !… Il suffira que l’on fiche un coup de pelle sur mon cercueil qu’on aura mal rangé, et paf, malgré mon sommeil éternel, j’arrêterai un quelconque grand projet inutile. En gros, j’arrive à la conclusion qu’il vaut mieux m’incinérer. Bien dispersé, Tonton Albert n’embêtera plus personne… Mais il y a tout de même quelque chose qui me chiffonne dans cette histoire de cadavre de retour à l’air libre à St Remy…
Vois-tu, au moins en théorie, avant de donner le moindre coup de pioche sur un chantier d’une certaine importance, la municipalité est censée prévenir la DRAC en amont des travaux. Précisément afin d’évaluer les risques de mettre à jour des vestiges archéologiques. Et ne me dis pas, lecteur, lectrice, que lorsque tu te penches au-dessus d’une tranchée, tu as le vestige !… Désolé pour ce calembour facile, ça m’a échappé !…
Donc, la DRAC prévenue ou pas, en amont des travaux ? Mystère et catafalque. On ne parvient pas à obtenir l’information. Il faut tout de même reconnaître qu’il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour imaginer qu’à proximité d’une église il y ait de fortes probabilités de trouver des cercueils… étant donné qu’autrefois, les inhumations s’effectuaient aux abords immédiats des églises, quand ce n’était pas dedans ! C’est bien plus tard, notamment pour des raisons sanitaires, que l’on a enterré les défunts à la périphérie des patelins. De là à penser que cette donnée culturelle a rapidement, elle aussi, été enterré, il n’y a pas l’ombre d’un crucifix.
Autre notion enterrée fissa, l’idée d’un dédommagement des commerçants du village par la municipalité de Brissac Loire Aubance . Alors qu’ils sont fortement impactés par des travaux qui n’en finissent pas. Les bagnoles ne circulant plus dans la rue principale, il n’y a plus que de rares piétons, pas trop frileux et ne craignant pas les averses, qui se rendent à l’épicerie de Charlène ou viennent déguster une pizza chez Yann et Laurence. Je ne sais pas si c’est la proximité de l’église, mais la mairie renvoie nos commerçants, essentiellement vers de la contrition. Souffrez en silence, les travaux, c’est pour le bien de tous !

Quant à l’indemnisation pour les pertes sur vos chiffres d’affaires, elle arrive sous la forme de magnifiques échos de langue de bois.
Dans le style : nous sommes bien conscients des difficultés que vous rencontrez et croyez bien que nous faisons tout pour soutenir les commerces de proximité. Si ces travaux avaient eu l’envergure de ceux du tramway à Angers, nous aurions bien sûr pu dégager un budget. Pour vous la faire courte, on n’est pas loin des applaudissements de soignants à 20h00, par temps d’épidémie. Ça ne coûte vraiment pas cher.
Autre détail aussi savoureux qu’une pizza préparée par le Yann de notre village, la déviation. Car qui dit route principale barrée, dit déviation. Or, où passe-t-elle la déviation ? Eh bien, dans un lacis de rues étroites où déjà deux vélos ont du mal à se croiser ! Et on y fait passer gaillardement des bagnoles dans les deux sens, et l’inconséquence des automobilistes pressés fait le reste. A savoir, un sacré foutoir où le piéton devient un gibier.
Et l’on s’étonnera ensuite de voir le citoyen exprimer de la défiance devant ses élu(e)s. Les gens sont d’une ingratitude !…

Si vous voulez maintenant, sans supplément de prix, la version pour les oreilles, rien de plus facile, un petit tour vers le « pot de caste » de Radio G !, et c’est tout bon. C’est une version dialoguée avec le concours de la sympathique Nolwenn. Et ça démarre à 42’22. Bonne écoute !