Toi qui m’écoutes via le « pot de caste » de Radio G !, et pour qui ma bouteille aux trois-quarts vide – dont l’extraction du bouchon sonne si agréablement à tes oreilles – n’a plus de secret, tu t’interroges probablement au sujet du titre de ce billet d’humeur. Tu te dis sans doute :
– On dirait que Tonton Albert a changé le type de liquide contenu dans sa bouteille…
Ce qui n’est pas faux. De plus, « Volvic versus Volvic », c’est un peu énigmatique comme intitulé. Alors, je ne te refais pas une version moderne de « Dr Jekyll contre Mister Hyde », mais il y a tout de même un peu de cela. Pour te la faire courte, ami lecteur, amie lectrice, « Volvic », c’est bien sûr la marque d’eau minérale bien connue, propriété du Groupe Danone, mais c’est aussi une riante commune du Puy de Dôme. Or, cette charmante bourgade de près de 5000 habitants est visée comme une trentaine d’autres localités de ce département, par des restrictions imposées par la préfecture, restrictions concernant l’usage de l’eau potable. Un comble tout de même pour une commune qui a donné son nom à une célèbre marque de flotte embouteillée. Pas banal, pas vrai ? Et ce qui l’est encore moins, c’est que l’industriel qui prélève gaillardement dans la nappe souterraine pour son business, n’est lui, pas franchement concerné par la vigilance préfectorale. Pour situer, les pompages effectués par la Société des eaux de Volvic représentent tout de même, avec leurs 2,5 milliards de litres annuels, le tiers des prélèvements réalisés dans la nappe de Volvic.
En d’autres termes, on peut en déduire que l’intérêt général – celui de la population – doit ici quelque peu s’effacer (ou plutôt « se diluer ») devant l’intérêt privé – en l’occurrence, celui de l’industriel.
Par souci de comparaison, si tu ouvres ton robinet à Volvic, tu paieras 1.64 € le m3, l’eau que tu y boiras. Par contre, si tu fais sauter le bouchon d’une bouteille de Volvic, il t’en coûtera en moyenne 0.36 € le litre… si tu l’achètes en pack de 6 bouteilles. Soit au moins 200 fois plus cher au m3, pour une eau issue de la même nappe souterraine. L’avantage dans le second cas, c’est que tu n’es pas obligé d’aller faire un tour jusqu’en Auvergne, pour boire de la Volvic. Simultanément, tu comprends mieux pourquoi avec ce facteur 200, pourquoi on parle parfois d’argent liquide…
D’accord, amie lectrice, ami lecteur, j’aurais pu me passer de faire cette boutade un tantinet facile !… Mais, plains-toi, j’aurais pu dire qu’à Volvic, avec les restrictions préfectorales, tout partait à vau-l’eau… Alors, tu vois, tu t’en tires plutôt bien.
Plus sérieusement, la question de l’assèchement de la nappe souterraine devient cruciale. A Volvic comme ailleurs. Et comme les besoins en eau ne vont pas en diminuant – j’ai déjà raconté qu’à chaque canicule, l’envie de tremper ses fesses dans sa piscine privée devenait irrésistible chez des particuliers sans cesse plus nombreux – on est plutôt mal partis. Histoire de pousser un cocorico imbécile, je soulignerai que la France est le second pays au monde, après les États-Unis pour le parc de piscines privées ramené au nombre d’habitants.
Avec l’interdiction préfectorale de remplir les piscines dans cette trentaine de communes auvergnates, j’aurai une pensée émue pour tous ces ménages qui se contrefichent de voir la ressource en eau se raréfier, et qui se sont endettés pour bénéficier d’une piscine sans eau.
Cela me fait aussi songer à cette célèbre réplique du western « Le bon, la brute et le truand » :
– Tu vois, le monde se divise en deux catégories. Ceux qui tiennent un pistolet chargé et ceux qui creusent…. »
– Et toi, tu creuses !... » répliques-tu instantanément. Je vois que tu connais tes classiques. Oui, le Français creuse, croyant échapper aux vagues de chaleur et il ne fait que braquer le pistolet chargé du réchauffement climatique sur sa propre tempe.
Mais revenons à ce siphonage en règle de la ressource en eau. Je tiens à préciser que le phénomène observé à Volvic n’est pas isolé, puisqu’une situation similaire a été pointé à Vittel ; l’exploitation de l’eau destinée à la mise en bouteilles mettant en péril tous les autres usages de l’eau situés à l’aval des pompages industriels.
C’est ainsi que des associations de défense de l’environnement alertent sur le fait que la nappe du bassin de Volvic alimente des sources naturelles qui, depuis quelques années, voient leur débit dégringoler. « Ces débits sont passés de 120 l/s en janvier 2022 à 50 l/s en janvier 2023, un niveau jamais atteint à cette période de l’année. Or, ils étaient de 600 l/s en 1975 ! Cherchez l’erreur !…
Ah, il faut choisir entre le partage équitable de la ressource afin qu’elle puisse bénéficier au plus grand nombre, sans oublier les écosystèmes, et surexploiter cette ressource afin de remplir les poches de quelques-uns et vendre de la bonne flotte des volcans d’Auvergne jusqu’au Japon. Oui, amie lectrice, ami lecteur, le bilan carbone de l’affaire est purement anecdotique.
– Et si l’été 2023 apporte une nouvelle sécheresse ? » me diras-tu.
Eh bien, rien de plus simple, s’il faut alimenter, au cours de l’été, les habitant(e)s du Puy de Dôme avec de l’eau embouteillée, au moins, n’est-ce pas, il n’y aura pas loin pour aller la chercher. On pourra même alors vanter le respect des « circuits courts ».
Tu vois, j’évoquais à l’instant les dégâts de la surexploitation de l’eau, et assez logiquement, je songe au mythe du Roi Midas. Celui qui transformait en or tout ce qu’il touchait. Tout. Absolument tout. Même sa nourriture. Ce qui le mit rapidement dans une panade XXXL. La cupidité est une malédiction. Voilà ce que nous enseigne le mythe du Roi Midas. Et quelque chose me dit que certains capitaines d’industrie et autres fonds de pension seraient bien inspirés de délaisser un peu les courbes même pas sensuelles du NASDAQ ou du CAC 40, pour jeter un œil attentif aux mythes anciens…
Installations de méga-bassines en surface, pompages démentiels en profondeur, indéniablement les intérêts privés pas franchement vertueux (euphémisme !) ont le vent en poupe et se font avec la bénédiction de l’État. Les populations quant à elles se mettent au « régime sec ». Pas de doute, la « guerre de l’eau » (longtemps après celle du feu) ne tardera plus.
Au cas où vous le sauriez pas encore, la version « pour les oreilles » est disponible en allant cliquer par ici.
Cela commence à 5’07.
Eau rage, eau désespoir…
Ils sont devenus fous, et, le sachant maintenant, ils persistent 😡