Traditionnellement, janvier est le mois des étrennes. Le facteur, les pompiers, sont certainement déjà passés chez vous pour qu’en échange d’un calendrier que vous n’oserez jamais accrocher ailleurs que dans le fond du garage, vous leur remettiez un petit (voire un gros) pourboire.
Les éboueurs, quant à eux, procèdent différemment. Ils arrivent dans votre boîte aux lettres, pour vous annoncer que rien ne sera plus comme avant. Bon, c’est une métaphore, les éboueurs fussent-ils de très petite taille, ne rentrent pas dans ma boîte aux lettres. Mais avec la complicité du facteur susnommé, ils peuvent y déposer du courrier.
C’est ainsi que ce cher Monsieur SMITOM du Sud-Saumurois dont je dépends pour le ramassage de mes déchets, m’a obligeamment adressé un document pédagogique m’apprenant qu’à compter de ce premier janvier 2022… j’allais casquer un max !
Naturellement, c’est présenté de manière plus policée. Monsieur SMITOM sait y mettre les formes. Il préfère m’inciter à présenter ma poubelle au ramassage de manière anecdotique, plutôt qu’attirer mon attention sur le fait que si je continue à produire autant de déchets qu’en 2021, ma facture va pratiquement doubler. Et pourtant, lectrice, lecteur, si tu voyais tout ce que je composte et réutilise !…
Cette nouveauté s’appelle la redevance incitative, autre dénomination du classique « tu vas te faire taper sur les doigts », et c’est merveilleux de simplicité. Jusqu’alors, la facturation liée au ramassage des ordures ménagères était incluse à la taxe foncière, ou aux charges, quand on est locataire. En fonction de la valeur locative de votre logement, un pourcentage était défini pour le paiement du ramassage de vos poubelles. Avec la redevance incitative, finis ces temps préhistoriques, place au forfait !
Pour mon misérable cas personnel, les deux options paraissent de prime abord assez similaires : 108 € naguère, 97 aujourd’hui. Sauf que ce « forfait » de 97 € porte un nom d’emprunt, puisqu’il s’agit en fait d’un abonnement – on paie donc, que l’on utilise ou pas le service. Oui, lecteur, lectrice, de nos jours, pour 100 balles, tu n’as plus rien ! Pour entrer dans le club très sélect des producteurs d’ordures ménagères du Sud-Saumurois, il faut avant tout sortir son chéquier. Ensuite, seulement ensuite (calmez-vous donc, tas d’impatients !), vous pourrez sortir vos poubelles. Mais attention, n’allez pas vous imaginer que l’on va raser gratis.
En effet, dès que vous dépasserez les 8 ramassages de votre bac « ordures ménagères » ou les 12 levées de celui dévolu aux emballages, vous exploserez votre budget poubelles. Pour mémoire, jusqu’en 2021, vous aviez droit à 26 ramassages (2 par mois). Moins de service pour un prix clairement majoré, c’est le progrès en marche. Monsieur SMITOM applique ainsi le principe fondamental du service au public délégué à des gens dont la philanthropie est très résiduelle. A savoir : si vous avez les moyens de vous offrir nos services, bienvenue au club, dans le cas contraire, nous allons vous apprendre à vous en passer.
La supercherie est évidemment présentée comme une avancée dont bénéficieront les ménages. Voyez toute cette belle monnaie que vous allez engranger en ne sortant plus votre poubelle ! Jusqu’à 647 € par an pour les plus « vertueux » d’entre vous (Cf. tableau ci-dessous).
Avouez qu’elle est vraiment « poubelle la vie » ! Les communicants dont j’ai déjà dit le plus grand bien, sont décidément impayables. Les économies soi-disant à portée de main, résultent de la différence qui existe entre la version antérieure avec ses 26 ramassages annuels – que l’on peut conserver – et celle d’aujourd’hui que l’on peut résumer à « mes ordures, je m’en fais des papillotes ». Etrangement, seul le volet financier de l’affaire a été mis en exergue. L’alibi écologique visant à responsabiliser l’usager – ce qui se résume le plus souvent à de l’authentique greenwashing – a ici été oublié. Pourtant, des camions-bennes circulant quasi vides pour cause de défection des producteurs de déchets, cela aurait mérité d’être évoqué, pas vrai ?
Pourtant, il faut reconnaître qu’ils ne manquent pas d’humour, ces communicants ; car en guise de titre à leur feuillet pédagogique, ils n’ont pas résisté à l’envie d’écrire : « Comment se décompose la facture ». La décomposition pour parler de déchets, il fallait oser.
S’il est évident qu’il faut réduire les déchets à la source, il faut néanmoins se méfier des fausses bonnes idées. Celle concoctée par Monsieur SMITOM, qui a toutes les apparences d’une marotte d’énarque, porte en effet en elle les germes de potentiels dégâts pour l’environnement. Que feront les foyers ayant épuisé le quota autorisé et n’acceptant pas de payer un euro de plus pour un service notoirement dégradé ? Ils chargeront Mère Nature de les débarrasser de leurs ordures. Et l’on verra refleurir les dépôts sauvages qu’une politique innovante – à travers notamment la création des déchetteries – était parvenue à éradiquer.
Pour mesurer l’étendue toute relative du civisme de nos contemporains en matière de déchets, il n’y a qu’à se rappeler ce qui était survenu en 2020, lors du premier confinement, avec la fermeture des déchetteries. Même les bigorneaux s’en souviennent : face au rapide retour des dépotoirs au coin des bois, les déchetteries avaient été rouvertes. Il semble que le court-termisme soit tellement installé au SMITOM du Sud-Saumurois que le « niveau bigorneau » n’est pas même atteint. Et puisque je parle de bigorneaux, j’imagine que les fins stratèges du SMITOM ont bien évidemment intégré que des restes de poisson ou de crustacés, cela peut difficilement rester inodore dans une poubelle durant de longues semaines…
L’autre solution envisageable pour grappiller un passage de benne gratos, consistera à remplir la poubelle du voisin avec vos « propres » – si je puis dire – ordures. Personnellement, je me vois mal, au choix équiper ma poubelle d’un cadenas, ou monter la garde auprès d’elle, la nuit, afin d’éviter les facéties du voisinage. Tu me diras, lectrice, lecteur, je consacre bien mes insomnies à écrire des chroniques pour la radio, je peux aussi les passer dehors à veiller sur mes poubelles…
Cette humeur, comme de nombreuses autres est également accessible en version « oreilles attentives ». Pour cela, il suffit de se rendre sur le « pot de caste » de Radio G !, et d’aller chercher l’émission Topette, la quotidienne concoctée par Pierre-Benoît. Cela commence à 2’20 (non, ce n’est pas parce que cette chronique radiophonique s’intitule « La bouteille aux trois-quarts vide » que je suis pour autant entre 2’20 !) et s’achève à 11’00. N’hésitez pas cependant à poursuivre l’écoute.
On peut saluer l’imagination débordante de nos gouvernants pour nous rendre chaque jour un peu plus fous (le vol de poubelle, j’ai déjà eu… On vit une époque formidable…)
Ce sera bientôt la révolte des poubelles !!!
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Le peuple en ce jour veut cesser la collecte malveillante,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, ……..