Allez, ami(e) lecteur/lectrice, c’est à toi de jouer !… Que me dis-tu ?
– F6, F7, F8, F9. ?…
Mille millions de mille sabords, tu m’impressionnes, lectrice, lecteur ! Les quatre coups au but. Porte-avions coulé !… Ah, celles et ceux qui viennent sur ce site ne respectent décidément rien ! Même pas les anciens fleurons de la marine française. N’aurais-tu pas quelque ascendance brésilienne ?…
Pardon ?… Tu es juste très doué(e) pour la bataille navale ?!…
Et il n’y a pas de quoi en être fier(e), crois-moi, parce que… envoyer un navire par le fond, pourquoi pas, mais encore faut-il y avoir fait le ménage auparavant. Et là, indéniablement, mon cher lecteur, ma chère lectrice, tu n’as guère assuré. Le plumeau pour faire les poussières et l’aspirateur pour les ramasser, ça n’a pas l’air d’être ton truc. Certes, on ne peut pas briller partout, mais tout de même !
En tout cas, on ne peut pas dire que le sabordage, au large des côtes brésiliennes, du porte-avions qui s’est appelé « Foch » durant 37 ans (Tiens, c’est amusant, c’était autrefois le nombre d’années qu’il fallait avoir engrangées pour pouvoir prendre sa retraite…)… ait été un modèle de respect des procédures régies par le droit environnemental international. Ben oui, c’est contraignant le droit. Ça prend du temps si l’on veut tout bien faire dans les règles… Et comme le temps, c’est de l’argent… Tu me dis amie lectrice que l’on a tendance à brûler un peu les étapes ?
Voire même à les carboniser, si tu vois ce que je veux dire… Parce que, normalement, se débarrasser d’un vieux rafiot, c’est encadré par au moins trois traités internationaux, la Convention de Bâle sur les déchets dangereux, le Protocole de Londres sur l’immersion des déchets et la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants. Là, c’est donc un « sans faute » de la part du Brésil… mais à l’envers. Aussi, m’interroges-tu, ami lecteur :
– Mais dis-moi, Tonton, c’est si chargé que ça en polluants, un bateau de guerre ?
Je te répondrais que ce qui est utilisé pour faire la guerre, c’est au moins aussi sale que la guerre elle-même. Et là, en l’occurrence, ce n’étaient pas les cochonneries qui manquaient à bord de cette épave flottante. Le Foch contenait évidemment des tonnes d’amiante. Classique ! Mais aussi de belles quantités de tributylétain.
Mais si tu préfères, tu peux l’appeler « TBT », il ne se vexera pas. C’est un puissant biocide qui éradique de nombreux organismes vivants. Et pour cette raison, il a été utilisé comme pesticide notamment dans les peintures. Et tout particulièrement dans la construction navale et la plaisance. Cette charmante molécule, non contente de zigouiller les végétaux et pas mal de bestioles, présente la particularité d’être un perturbateur endocrinien. Un de plus, me diras-tu !…
Le TBT est ainsi capable à faible doses de masculiniser les femelles de certaines espèces aquatiques. Avec le TBT, la virilité ne fait que s’affirmer ! Pour cette raison, – il mettait un sacré bazar dans la reproduction des huîtres, moules et autres coquilles St Jacques -, le TBT a été interdit en France dès 1982. Cocorico !… mais seulement pour les coques des bateaux de moins de 25 m. Oui, c’est un cocorico tout relatif. On pouvait donc continuer à en tartiner généreusement la coque du Foch, qui avec ses 265 m de long, ne tombait pas sous le coup de l’interdiction. Pour ton information, le TBT n’a été définitivement interdit sur le territoire de l’Union Européenne… qu’en 2008.
Alors, cela ne fait pas l’ombre d’un doute : si le Foch était chargé de TBT, quand le produit va se répandre dans l’océan, la faune et la flore ne vont pas apprécier… De plus, les produits de dégradation du TBT – les métabolites comme on les appelle – sont au moins aussi dangereux que le produit de départ. Pour que le tableau soit complet, il convient d’ajouter que le Foch contenait aussi quelques tonnes de polychlorobiphényles (PCB pour les intimes, et accessoirement autres perturbateurs endocriniens notoires) ainsi que des matières radioactives pour faire bon poids. Et il devait bien rester aussi un peu de mazout pour les frégates et autres fous de Bassan qui aiment tant les hydrocarbures sur leur plumage. C’est bien pourquoi les ONG environnementales crient « au fou ! » devant ce qu’a accompli la marine brésilienne. Tu imagines sans peine, toi qui lis ces lignes, comment la chaîne alimentaire de l’océan atlantique va se régaler avec toutes ces bonnes choses qui y ont été déversées.
Alors, le Ministère brésilien de la Défense, à qui le Foch avait été vendu il y a 23 ans de ça, argumente en affirmant qu’en raison de l’état de délabrement de la coque du bâtiment, il n’était pas possible d’adopter une autre solution que ce naufrage planifié et maîtrisé, à 350 km des côtes brésiliennes. En gros, ce vieux « Foch » n’avait plus la moustache aussi fringante qu’au soir de l’Armistice du 11 novembre 1918. Avec sa coque toute pourrie, d’aucuns auraient même pu l’appeler le porte-avions « Moche ».
Moins incisifs que votre Tonton Albert préféré, les Brésiliens l’avaient rebaptisé « Sao Paulo » en hommage à l’une des grandes villes du pays. Allez, on espère qu’avant d’expédier le navire par 5000 m de fond, dans ce qui est considéré, hélas, comme la plus vaste poubelle de la planète, une fanfare a pu lui jouer un petit air de samba… avant de lui dire « Salut Paulot ».
L’option « pour les oreilles » de ce billet d’humeur est évidement disponible depuis le « pot de caste » de Radio G!. Cela démarre à 5’40 », mais vous pouvez bien sûr continuer l’écoute, après ma Bouteille aux trois-quarts vide.
Aaaah …. Le Brésil ! Ses favelas, ses inégalités, son système de protection sociale, ses dictateurs, sa déforestation … On n’est plus à un cynisme près.
Et en plus, y a Neymar.