A-coup fan n°9

Je ne t’apprendrai pas, Michel, que c’’est avec du vieux que l’on fait du neuf.

Ce qui en soit s’avère plutôt une bonne chose, puisque de cette façon, l’on recycle, et cela fait moins de déchets. Déchets qui s’accumulent aussi bien dans nos rues, en ces temps de grèves, que jusqu’au fin fond de l’Antarctique, quelle que soit le moment. L’inconvénient, bien sûr, quand on recycle, et que l’on veut paraître novateur, c’est qu’il faut parfaitement bien présenter la chose, sous peine de voir le subterfuge découvert. Ce qui réduirait à néant toute la démarche savamment élaborée en amont. Sinon, c’est comme un bois vermoulu sur lequel on a passé un coup de vernis afin de cacher la misère.

Ainsi, le parti au pouvoir s’appelle-t-il « Renaissance ». Ce qui évoque irrésistiblement dans nos esprits, les toiles de Raphaël, la science infinie de Maître Léonard, les sculptures de Michel-Ange.

Or, en constatant ce que ledit parti a tendance à nous produire, l’on ne peut s’empêcher de songer qu’en guise de renaissance, c’est plutôt le retour au moyen-âge et au servage qui nous est vendu. Heureusement d’ailleurs qu’il ne s’appelle plus « En marche ! » le parti au pouvoir, car un tel nom ne pouvait qu’inciter les gueux dont je fais partie à manifester de plus belle. Non, Michel, je n’ai pas dit « manifester de poubelles ». On dirait bien que l’audition, ce n’est plus cela, Monsieur Boutet…

Tout ceci pour te dire, mon bon Michel, que ce report de l’âge légal du départ à la retraite à 64 ans m’a rappelé une chanson des Beatles. Eh oui, Michel, aujourd’hui, je ne ferai point dans le francophone, mais dans le made in perfide Albion !

Et cette chanson, c’est bien sûr : When I’m sixty-four.

Autrement dit, pour celles et ceux qui seraient réfractaires à Radio-Londres : Quand j’aurai 64 ans.

Ben oui, je crois que vu le contexte actuel, cette jolie rengaine était tout indiquée pour ce neuvième A-coup fan. Je m’étonne d’ailleurs qu’on ne l’entende point dans les manifs. Ce qui nous changerait d’Antisocial de Trust, même s’il faut humblement reconnaître que les joyeux robocops qui gazent la populace à tout va, ont effectivement tendance à perdre leur sang-froid. Comme le chantait si bien Bernie Bonvoisin. Mais revenons aux scarabées d’Outre-Manche.

Dans cette chanson, le duo Lennon/Mc McCartney qui alors semblait inusable et à son apogée, ne se préoccupe pas de savoir s’il devra aller travailler en déambulateur. Non, les deux compères s’inquiètent à l’idée que leur compagne pourrait bien les laisser cuver leur bière sur le paillasson, quand ils rentrent à pas d’heure du pub dans lequel ils ont passé la soirée.

La crainte n’est d’ailleurs pas infondée, tant il est vrai que pour tolérante qu’elle soit, toute matrone peut en avoir sa claque de récupérer la viande saoule maritale, après plusieurs décennies de vie commune. On imagine d’ailleurs Yoko Ono ouvrant la porte à ce vieux John… avec un rouleau à pâtisserie planqué dans son dos.

L’inquiétude se fait d’ailleurs angoisse, puisque ce bonhomme qui perd ses cheveux, se demande si sa douce aura encore besoin de lui, et pire, si elle lui fera encore à manger.


Will you still need me, will you still feed me
When I’m sixty-four

L’angoisse suprême : l’épouse faisant la grève des fourneaux ! Là, sans vous vexer les Lennon and McCartney, ça fait un peu cliché, cette appréhension à l’idée de devoir faire cuire vous-même vos œufs au bacon. Quand on y pense, c’est terrible, le gars angoisse dans la perspective de devoir se passer de cuisine anglaise. Un comble, non ?

Cependant, il y a une justice dans cette chanson, car la belle, elle aussi, se fera vieillissante.

You’ll be older too » souligne le chanteur.

Et donc, puisqu’il n’y a pas de raison pour que la compagne soit épargnée par les vacheries du petit père Chronos, autant envisager l’avenir de façon apaisée, sinon pépère. Voire carrément sur un scénario « petit bourgeois ».

Who could ask for more » interroge-t-il encore, le chanteur.

Oui, que demander de plus ? Le temps aura fait son œuvre, et la jeunesse aura fichu le camp, et avec elle, ses folies, ses extravagances.

C’est ainsi que l’amante tricotera au coin du feu, (You can knit a sweater by the fireside), comme dans le « Banc public » de Tonton Georges. Tu te souviens, Michel…

Ils se voient déjà doucement

Elle cousant, lui fumant, dans un bien-être sûr.

L’accueil des petits-enfants sur des genoux perclus d’arthrose et l’épargne pour louer un cottage – pas trop cher – le temps des vacances. Voilà qui est censé faire rêver la dulcinée qui est encore loin d’avoir atteint les fatidiques sixty-four. Bref, cette chanson extraite de l’album Sergent Pepper, prend un peu des allures de Sergent Pépère à la retraite.

Pourtant, au-delà de cette apparente résignation, il y a une douce mélancolie dans la musique de « When I’m sixty-four ». Quelque chose de faussement festif. Comme si on n’osait pas vraiment croire à l’inéluctable.

Ironie du sort, il y a tout de même deux Beatles qui n’ont pas atteint cette borne 64 (trop facile celle-là, Tonton Albert). John Lennon abattu sur un trottoir newyorkais à 40 ans, et George Harrison emporté par un cancer à 58 printemps.

Faut-il y voir des exemples à suivre pour équilibrer les caisses de retraite ? Je ne répondrai pas à cette interrogation, ne disposant pas au fond de moi du cynisme dont on fait les ministres au sang triste. Chacun(e) optera pour l’orthographe de son choix pour écrire « sang triste ».

Ecoutons plutôt les petits gars de Liverpool se projeter en tant que sexagénaires.

Et la version pour les oreilles, c’est par ici. Cela démarre à 1’38 ». Mais le reste de l’émission vaut franchement le détour, grâce aux invité(e)s du jour, le gars Cendrio et le trio Les Herbes hautes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *